MÉMOIRE DE L'ASSOCIATION CANADIENNE DES CONSTRUCTEURS D'HABITATIONS (ACCH)

RÉSUMÉ

L’ACCH entend formuler trois recommandations particulières et interdépendantes à l’intention du gouvernement fédéral :

·         modifier le régime de la TPS pour les nouvelles habitations et les rénovations;

·         s’attaquer vigoureusement à l’économie « monétaire » souterraine;

·         stimuler les investissements dans les nouveaux logements construits dans un but expressément locatif.

MODIFICATION DU RÉGIME DE LA TPS POUR LES NOUVELLES HABITATIONS ET LES RÉNOVATIONS

La baisse du taux général de la taxe sur les produits et services (TPS) de 7 à 5 % a contribué à l’accessibilité aux logements. À l’issue de cette réduction et du maintien du remboursement de la TPS au chapitre des habitations neuves, le taux réel de la TPS sur les nouvelles habitations qui ouvrent droit à un remboursement intégral est passé de 4,48 à 3,2 %. Cela a permis de ramener le niveau des taxes de vente fédérales perçues sur une habitation neuve plus près du niveau qui prévalait avant l’instauration de la TPS en 1991. La baisse du taux général de TPS a été une mesure de soutien essentielle à l’accessibilité au logement.

Cependant, deux changements clés sont indispensables en ce qui concerne le régime de la TPS pour les nouvelles habitations et les rénovations :

·         adoption d’un remboursement intégral/à seuil unique pour les nouvelles habitations;

·         remboursement de la taxe pour les rénovations domiciliaires.

Contexte des seuils de remboursement de la TPS sur les nouvelles habitations

Le remboursement de la TPS sur les habitations nouvelles réduit de 5 à 3,2 % le taux réel de TPS qu’il faut payer sur les nouvelles maisons admissibles.

Les acheteurs de nouvelles maisons dont le prix est inférieur à 350 000 $ ont droit au remboursement intégral, c’est-à-dire que le taux effectif de TPS sur leurs nouvelles maisons est de 3,2 %. Les acheteurs de maisons dont le prix varie entre 350 000 $ et 450 000 $ ont droit à un remboursement qui diminue progressivement – et le taux réel de TPS augmente en conséquence. Les maisons dont le prix est égal ou supérieur à 450 000 $ n’ouvrent droit à aucun remboursement, ce qui signifie que le taux réel de TPS de ces maisons est de 5 %.

Pour les habitations nouvelles dont le prix se situe entre 350 000 $ et 450 000 $, la TPS exigible s’établit ainsi :

Prix de l’habitation

350 000 $

400 000 $

450 000 $

TPS à 5 %

17 500 $

20 000 $

22 500 $

Remboursement de TPS pour habitations neuves

6 300 $

3 150 $

0 $

TPS effectivement exigible

11 200 $

16 850 $

22 500 $

TPS effective en %du prix de l’habitation

3,2 %

4,21 %

5,0 %

Lorsque ces seuils ont été fixés, le gouvernement fédéral estimait qu’environ 95 % des acheteurs de nouvelles habitations auraient droit au remboursement – il prévoyait en effet que le remboursement s’appliquerait à tous les acheteurs d’habitations, en dehors des « nantis ».

Cependant, devant l’augmentation du prix des habitations, de nombreux acheteurs d’habitations nouvelles (soit la majorité dans de nombreux centres urbains) n’ont pas droit au remboursement intégral car les seuils de remboursement sont gelés au même niveau depuis 1991. En bref, les acheteurs d’habitations nouvelles paient un taux de TPS plus élevé que cela n’aurait été le cas si les seuils de remboursement avaient été rajustés pour refléter l’augmentation du prix des maisons. Cela a eu des répercussions néfastes sur l’accessibilité au logement.

Engagement du fédéral

Lorsque la TPS a été instaurée en 1991, le gouvernement fédéral s’est engagé à rajuster les seuils pour qu’ils reflètent l’évolution du prix des habitations, afin de protéger l’accessibilité au logement au fil des ans. Comme on peut le lire dans le Document technique sur la taxe sur les produits et services datant d’août 1989 (à la page 19) :

« Le gouvernement réexaminera ces seuils tous les deux ans au moins et les ajustera le cas échéant pour s’assurer qu’ils reflètent bien l’évolution des conditions économiques et des marchés de l’habitation. »

Au cours des années 1990, soit immédiatement après l’instauration de la TPS, les prix des maisons étaient relativement stables dans la plupart des régions du Canada, de sorte qu’il n’a guère été nécessaire de rajuster les seuils pour refléter l’évolution du prix des habitations. De ce fait, les seuils n’ont pas été rajustés. Depuis le milieu des années 1990, le prix des habitations nouvelles a augmenté de près de 60 % à l’échelle nationale; toutefois, les seuils sont demeurés gelés aux niveaux fixés en 1991 – soit il y a 20 ans.

Respecter l’engagement pris par le gouvernement fédéral de rajuster les seuils de remboursement de la TPS

Depuis des années, l’ACCH recommande au gouvernement fédéral de rajuster les seuils de remboursement de la TPS sur les nouvelles habitations pour respecter l’engagement qu’il a pris au moment où la TPS a été instaurée. Si les seuils de remboursement avaient été rajustés pour refléter l’augmentation du prix des nouvelles habitations jusqu’en 2010, ils auraient augmenté de leur niveau actuel de 350 000 $-450 000 $ à 550 000 $-705 000 $.

Étant donné que les seuils sont aujourd’hui gelés depuis 20 ans, l’ACCH recommande une nouvelle façon de procéder. L’ACCH recommande au gouvernement fédéral d’adopter le modèle de remboursement au chapitre des nouvelles habitations adopté par les gouvernements des provinces d’Ontario et de Colombie-Britannique en vertu de l’harmonisation de la taxe de vente. Ce modèle a pour but de protéger l’accessibilité au logement par un seuil unique de prix. En deçà du seuil, les habitations sont taxées à un taux inférieur. Le montant du remboursement au seuil du prix est disponible pour toutes les habitations dont le prix dépasse le seuil. L’adoption d’un modèle de remboursement analogue de la TPS aurait pour effet de produire essentiellement le même résultat que l’indexation des seuils en vigueur pour le remboursement de la TPS sur les nouvelles habitations.

En vertu du modèle de remboursement de la TPS pour les habitations nouvelles sous le régime de la taxe de vente harmonisée en Ontario et en Colombie-Britannique, et d’un seuil de remboursement de 400 000 $, le gouvernement fédéral aurait perçu environ 380 millions de dollars de recettes de TPS en moins en 2011.

Le but visé par le gouvernement fédéral lorsqu’il a pris l’engagement de rajuster les seuils de remboursement de la TPS était de protéger l’accessibilité au logement avec le temps. Étant donné que la quasi-totalité des nouvelles habitations dans de nombreux grands centres urbains n’ouvrent aujourd’hui pas droit à un remboursement de la TPS, il est urgent que le gouvernement fédéral prenne des mesures pour respecter cet engagement.

Remboursement de taxes au titre des rénovations résidentielles

Un remboursement de taxes au titre des rénovations résidentielles est nécessaire pour rétablir l’équité du régime fiscal pour les travaux de rénovation. Dans l’ensemble du Canada, les propriétaires fonciers qui se lancent dans des rénovations paient un niveau anormal de taxes de vente en vertu de la TPS et, dans les provinces où elle est en place, en vertu de la taxe de vente harmonisée (TVH). Ce niveau injuste d’imposition majore de beaucoup les coûts que doivent prendre en charge les Canadiens lorsqu’ils investissent pour assurer l’entretien ou l’amélioration de leurs habitations.

Avant l’instauration de la TPS, la taxe de vente fédérale (TVF) de 9 % ne s’appliquait qu’au volet matériaux des dépenses de rénovation des habitations. Par ailleurs, la TVF s’appliquait au prix des produits au départ de l’usine plutôt qu’au prix de détail intégral. Étant donné que les matériaux ne représentent qu’une partie du coût intégral de travaux de rénovation (la main-d’œuvre et les bénéfices n’étaient pas imposés en vertu de la TVF), on estime que la TVF ne représentait qu’environ 2,5 % des coûts de rénovation d’une habitation à contrat au moment de la livraison. La TPS actuelle taxe le même projet à hauteur de 5 %, soit deux fois le montant préalable. Dans les provinces où la TVH est en place, le fardeau fiscal est encore beaucoup plus lourd.

Pour rétablir l’équité dans la façon dont les rénovations résidentielles sont taxées par le gouvernement fédéral, et pour inciter les propriétaires à engager des entrepreneurs légitimes qui paient leurs impôts au lieu d’entrepreneurs « monétaires » souterrains, le gouvernement fédéral doit instaurer un remboursement de taxes permanent sur la rénovation des maisons équivalant à 2,5 % du coût total des rénovations d’une habitation.

Comme en témoigne le crédit d’impôt pour la rénovation domiciliaire (CIRD) provisoire, un remboursement permanent de taxes sur la rénovation domiciliaire présentera un autre avantage important – il permettra de lutter contre l’économie souterraine. En demandant aux propriétaires d’exiger des reçus pour justifier leurs demandes de CIRD, le gouvernement fédéral a fait subir un sérieux revers aux entrepreneurs « monétaires » souterrains. Les consommateurs qui ont l’intention de se prévaloir du CIRD doivent exiger des documents lorsqu’ils engagent un rénovateur, ce qui met les entrepreneurs souterrains en situation nettement désavantageuse. Le fait d’exiger des reçus au titre des rénovations en vertu du CIRD a entraîné une hausse des recettes de l’État tandis que les entrepreneurs légitimes qui paient des impôts ont obtenu des contrats qui auraient autrement été adjugés à des fraudeurs fiscaux.

COMMENT S’ATTAQUER À L’ÉCONOMIE « MONÉTAIRE » SOUTERRAINE

L’importance croissante de l’économie souterraine dans le secteur du bâtiment mine la qualité des habitations et nuit aux entrepreneurs légitimes qui paient leurs impôts. En outre, les gouvernements de tous les ordres perdent chaque année des milliards de dollars à cause des activités des entrepreneurs souterrains – en particulier dans le secteur de la rénovation domiciliaire. Par exemple, le Secrétariat ontarien à la construction estime que le manque à gagner annuel moyen du gouvernement découlant des activités souterraines dans le domaine du bâtiment se situe entre 1,4 et 2,4 milliards de dollars dans la seule province d’Ontario.

Il est important pour la relance de l’économie du Canada et pour réduire les déficits de l’État de s’assurer que ceux qui doivent payer des impôts en paient effectivement.

La principale mesure prise par l’Agence du revenu du Canada (ARC) pour lutter contre la croissance de ces pratiques souterraines dans le secteur du bâtiment a été de créer le Système de déclaration des paiements contractuels (SDPC). Une évaluation du SDPC réalisée par l’Agence proprement dite a permis de déduire que « le système n’est guère efficace dans le segment de l’économie souterraine où les transactions sont délibérément camouflées par les entrepreneurs et les sous-traitants afin de se soustraire aux lois fiscales et à d’autres obligations juridiques (l’expression couramment employée est celle d’économie “souterraine”) ». Par définition, les entrepreneurs souterrains n’acceptent d’être payés qu’en argent liquide, en dehors de l’économie légitime. En vertu du SDPC, les entrepreneurs qui n’acceptent que des espèces sont encore plus vigilants quant à la façon dont ils mènent leurs activités.

Manifestement, les initiatives prises ne permettent pas de lutter contre l’économie souterraine dans le secteur du bâtiment. Une nouvelle approche s’impose donc de toute urgence.

Il convient donc d’examiner les initiatives prises dans d’autres pays pour réduire les activités souterraines en vue de les appliquer au Canada.

En outre, dans le cadre de la stratégie du gouvernement fédéral visant à lutter contre l’économie souterraine :

Toutes les entreprises et les particuliers de l’industrie du bâtiment doivent être tenus de se procurer un numéro d’entreprise, même s’ils entendent se prévaloir de l’exonération de la TPS accordée aux entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 30 000 $. Une telle prescription rendra la tâche plus difficile aux entrepreneurs souterrains qui entendent camoufler leurs activités à l’ARC.

Comme nous l’avons vu, le projet de crédit d’impôt permanent pour la rénovation domiciliaire (CIRD) complétera ces efforts et fera sortir « au grand jour » une part beaucoup plus importante des projets de rénovation.

STIMULER LES INVESTISSEMENTS DANS LES HABITATIONS NOUVELLES DESTINÉES À LA LOCATION

Le taux national d’inoccupation des appartements à louer se situe dans la fourchette de 2 à 3 %, ce qui est indicateur d’un marché locatif « équilibré ». Quelques grands centres ont des marchés de location très serrés et la plupart des grands centres ont des taux d’inoccupation qui se situent dans les limites ou même au-dessus de la fourchette « équilibrée ».

Toutefois, la prévalence de marchés locatifs équilibrés et/ou où l’offre est excédentaire dans la plupart des régions du pays n’est que provisoire. La construction de nouveaux logements locatifs est nettement en deçà du niveau des besoins démographiques prévus. Au cours des années à venir, la conjugaison d’une demande élevée d’habitations locatives et la faiblesse des volumes de construction d’habitations locatives se traduira par un rétrécissement des marchés de location – à moins qu’il n’y ait une hausse appréciable du volume de construction de nouvelles habitations locatives. Une telle hausse des activités de construction d’habitations locatives obligera à nettement améliorer l’économie des investissements dans les projets de construction d’habitations locatives.

Les modifications apportées à l’impôt sur le revenu fédéral des habitations expressément locatives au cours des années 1970 et 1980 ont nettement réduit l’attrait des investissements dans ce secteur. De même, l’instauration de la TPS en 1991 a ajouté la taxe de vente fédérale aux projets d’habitations locatives – ce qui a découragé encore plus les gens d’investir dans de nouvelles habitations locatives. C’est pourquoi le volume d’habitations locatives neuves au Canada est nettement inférieur aux niveaux qui prévalaient avant les modifications apportées à l’impôt sur le revenu et à la TPS.

Il y a eu une légère amélioration de l’effet de la TPS sur les habitations locatives lorsque le remboursement de la TPS sur les nouvelles habitations a été élargi aux habitations locatives privées construites à cette fin (en 2000) et lorsque le taux général de la TPS a été ramené de 7 à 5 %. Toutefois, des changements beaucoup plus fondamentaux s’imposent dans le régime fiscal fédéral pour les habitations locatives afin de stimuler les investissements dans les nouvelles habitations locatives construites à cette fin.

L’ACCH demande que l’on réforme le régime d’impôt fédéral des habitations locatives construites à cette fin, notamment :

·         différer les gains en capital et les déductions pour amortissement recouvrées au moment où l’on se débarrasse des propriétés locatives si les produits sont utilisés pour investir dans de nouvelles propriétés locatives construites à cette fin;

·         élargir l’admissibilité aux déductions des pertes locatives résultant de la déduction pour amortissement par rapport aux revenus provenant d’autres sources;

·         assouplir les restrictions imposées à la déductibilité des coûts accessoires;

·         permettre aux petites entreprises qui possèdent des propriétés locatives construites à cette fin de réclamer le taux d’imposition privilégié qui s’applique à tous les autres types de petites entreprises;

·         fixer à zéro le taux des habitations locatives construites à cette fin pour les besoins de la TPS/TVH – étant donné que les locations résidentielles sont exonérées de la TPS/TVH, la TPS/TVH payée par les entreprises qui investissent dans des habitations locatives construites à cette fin doit être remboursée, comme c’est effectivement le cas d’autres types d’entreprises analogues qui paient la TPS/TVH sur les facteurs de production mais qui ne peuvent pas facturer la TPS/TVH sur leurs produits ou services.

L’ACCH ne souscrit pas aux projets de subventions ou d’avantages fiscaux pour la construction ou la rénovation d’habitations locatives à faibles coûts, et privilégie en revanche une aide financière directe aux foyers à faible revenu pour répondre à leurs besoins.

L’ACCH

L’Association canadienne des constructeurs d’habitations est le porte-parole du secteur de la construction résidentielle au Canada.

Les membres de l’ACCH sont des constructeurs de nouvelles habitations, des entreprises de rénovation, des promoteurs, des fournisseurs, des corps de métiers, des fabricants, des prêteurs et d’autres professionnels. L’ACCH compte plus de 50 associations locales et 8 associations provinciales. Les comités permanents et les conseils de l’ACCH surveillent les travaux de l’Association dans des domaines aussi divers que la recherche technique et économique, l’éducation et la formation, la rénovation, l’environnement, les questions urbaines, les garanties et la commercialisation. Grâce aux efforts bénévoles de ses membres, l’ACCH sert les consommateurs et les constructeurs d’habitations en appuyant la qualité, l’accessibilité et les choix en matière de logement pour tous les Canadiens et Canadiennes.